Une brise méridionale souffle sur le musée Marmottan à Paris. Une soixantaine de toiles confrontent sur les cimaises Cézanne aux maîtres italiens qu’il admira, puis aux jeunes artistes du Novecento qu’il influença en retour.
Un pari audacieux car l’Aixois n’a jamais mis un pied dans la Botte. Sa culture latine, il se l’est forgée à travers ses lectures d’Ovide ou de Virgile et lors de ses visites au musée Granet d’Aix-en-Provence, puis au Louvre où il s’est exercé à la copie.
De l’agitation du Tintoret…
Qu’en a-t-il retenu ? L’exposition du musée Marmottan rapproche les premiers tableaux de sa période « couillarde », hérissée de sujets érotiques ou violents, des maîtres vénitiens. Au Tintoret, Cézanne emprunte l’agitation et la dramatisation des gestes, la couleur sculptée en pleine pâte.
En revanche, les emprunts directs de figures suggérés, sur les cartels par des schémas comparant leurs compositions, ne convainquent guère. D’autant qu’il est peu probable que le jeune peintre ait pu voir les Tintoret, prêtés à Marmottan par les musées de Nancy et Strasbourg.
Plus explicite apparaît la reprise, par Cézanne, de la Déposition de Ribera admirée au Louvre qu’il transforme en Toilette funéraire profane. Le maître espagnol, qui fit toute sa carrière à Naples, a indubitablement marqué le Provençal, par ses natures mortes et ses prophètes rustiques. Avec sa concentration muette, son éclairage en clair-obscur, Le Jardinier Vallier de Cézanne semble l’héritier de ces vieux sages. D’autres trésors rarement montrés, comme les toiles du Napolitain Salvator Rosa, pimentent ces jeux d’influences.
…jusqu’à la grandeur classique de Poussin
Dans sa maturité, la grandeur sereine des paysages romains de Poussin servira de guide au peintre de la Sainte-Victoire, qui se déleste de toute inspiration mythologique. Les nymphes deviennent de modernes baigneuses. Cézanne veut « vivifier Poussin sur nature », peindre en plein air, dans un brûlant face-à-face avec sa terre natale.
Les éblouissements de Joaquin Sorolla, à Aix-en-Provence
Aux ruines antiques de son aîné fait écho son majestueux Château noir (acquis par Picasso). Dialoguant sur les cimaises, les compositions du maître et de son émule, cadrées par de grands arbres, leur palette réchauffée au soleil du Sud, les touches variées selon le motif - feuillage, rochers ou ciels -, se répondent par-delà les siècles.
Bien sûr, ces sources ne sont pas exclusives, tant la Pastorale de Cézanne, par exemple, emprunte aussi au Concert champêtre de Giorgione et… au Déjeuner sur l’herbe de Manet. Tant les toiles tragiques des débuts lorgnent vers Daumier et son « Massacre de la rue Transnonain… ».
Cézanne inspirateur
La dernière partie de l’exposition évoque la dette que contracteront à leur tour les artistes du Novecento envers l’œuvre du maître d’Aix, dans lequel ils semblent se reconnaître. C’est Morandi qui épure ses Natures mortes en cônes, cylindres, ou sphères. C’est Sironi qui fait poser son jeune frère Ettore, à la manière du jardinier Vallier. C’est Boccioni qui croque une fillette un peu raide, dans un grand fauteuil rouge, telle une lointaine descendante d’Hortense Cézanne. On regrette juste que le portrait de cette dernière manque à Marmottan pour la comparaison.
July 31, 2020 at 03:00PM
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Cézanne, un parfum d’Italie au musée Marmottan - Journal La Croix
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