Thursday, July 2, 2020

« Les parfums », une femme qui a du nez - Journal La Croix

antakatabur.blogspot.com

Les parfums ***

de Grégory Magne

Film français, 1 h 40

À l’annonce de la fermeture des cinémas en mars, la vie de films sur le point de sortir s’arrêtait avant d’avoir commencé, alors même qu’une belle trajectoire leur semblait parfois promise. Les parfums appartient à ces longs-métrages retrouvés avec bonheur à la réouverture des salles. Il évoque un monde invisible que découvre Guillaume, un chauffeur de maître, sans l’avoir voulu. Ses revenus fluctuants ne tiennent qu’à un fil : il n’a plus que trois points sur son permis et Arsène, son donneur d’ordre, préfère confier ses voitures de luxe à des conducteurs qui ne risquent pas à tout moment de voir suspendu leur droit à rouler.

Mais Guillaume doit justifier de revenus suffisants pour prendre un appartement plus grand que son studio et obtenir la garde de sa fille Léa une semaine sur deux. Arsène qui se laisse attendrir charge Guillaume de conduire une cliente difficile, Anne Walberg, en province pour un de ses contrats : nez, elle doit donner à la réplique artificielle d’une grotte d’art pariétal l’odeur de l’originale.

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Le cinéma a usé et abusé des duos de personnalités contraires qui se complètent. C’est l’un des ressorts des Parfums mais le film a d’autres atouts. Face à Guillaume, simple et chaleureux, Anne Walberg multiplie les comportements curieux : elle jette son paquet de cigarettes, lui demande de changer les draps à l’hôtel où ils descendent, se tient farouchement à distance de ses interlocuteurs. C’est qu’elle cherche à protéger son odorat qui relève de l’instrument d’exception : elle fuit toute effluve de tabac, de lessive et de parfum qui atténuerait ses capacités avant une expertise. À ces étrangetés, s’ajoutent des manières rudes où autrui apparaît essentiellement comme un obstacle ou un moyen.

Un captivant regard sur une profession

Dans les pas de Guillaume, le spectateur s’initie au passionnant métier de nez, aux missions qui leur sont proposées, aux trajectoires des plus grands talents et à leur grande vulnérabilité dans l’exercice de leur art. Avec charme et délicatesse, Les parfums dessine aussi la rencontre de deux solitudes, un homme et une femme en proie au doute, sans céder à la facilité de la romance. Si la réalisation demeure classique, l’image soignée sait habilement traduire les univers contrastés traversés par Anne et Guillaume.

Deux beaux acteurs interprètent ces personnages bien écrits : Grégory Montel, dont les aficionados de la série Dix pour cent connaissent la tendre bonhomie ; Emmanuelle Devos, parfaite en femme de la grande bourgeoisie qui ne parvient pas complètement à dissimuler une faille. Gustave Kerven (Arsène), la jeune Zélie Rixhon (Léa) et Sergi Lopez complètent joliment la distribution de ce film lumineux.




July 01, 2020 at 08:37AM
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